On parle beaucoup de barbarie ces derniers temps
On parle beaucoup de barbarie ces derniers temps
Pour cette chronique, je voudrais partir de deux faits, qui, à priori, n’ont rien à voir l’un avec l’autre, mais qui, à l’analyse, font apparaître quelques singularités communes.
- Vendredi 16 septembre dernier, à 21h30, l’animateur de NRJ lance : « On ne dit plus : Je t’aime, on dit : Je baise ». La co-animatrice, scotchée, lance un « Ho ! » aussi réprobateur que résigné. Résigné surtout. Évidemment, c’est une fille. Elle se sent visée quelque part.
- Samedi 17 septembre, le matin, j’entends sur Europe 1 un chroniqueur parler de la nouvelle violence des filles : elles n’hésitent plus à se battre « pour de vrai » et elles semblent aimer ça.
Les deux faits me laissent une impression de léger écoeurement. Comme je n’aime pas réagir à chaud, je m’impose un temps de réflexion. Deux mois se sont écoulés. L’actualité mettant la violence urbaine sur le devant de la scène politique et sociale (voitures brûlées, magasins incendiés, violences nocturnes…), je me dis que tous ces faits ont peut-être un point commun et j’ai envie de vérifier.
Un signe des temps
Ce qui m’interpelle dans mon premier constat, ce n’est pas le « slogan » de l’animateur. À entendre sa voix, je présume qu’il s’agit d’un homme jeune et peut-être a-t-il un peu voulu se la jouer. Mais derrière son cri de ralliement, j’entends autre chose, comme si, l’annonce était faite qu’une dégénérescence des pratiques amoureuses était en route. Allons-nous, comme disait Brassens, ne plus être capables de risquer notre vie pour cueillir un myosotis à une fille ? Et les filles, elles, vont-elles continuer à vouloir qu’on les leur cueille, les myosotis ? Ceci me conduit au second point de ma réflexion.
Bien sûr que les jeunes femmes ne castagnent pas à tous les coins de rue. Bien sûr que celles qui se battent pour de vrai le font certainement moins dans le but d’être admirées que dans celui d’être respectées. Mais en même temps, je ne peux m’empêcher d’y voir un signe des temps.
Les femmes, au cours des dernières décennies ont vécu une époque d’émancipation admirable. Quelques-unes d’entre elles ont laissé leur vie dans leur combat pour l’égalité des chances, des conditions de vie, des salaires. Pour la liberté d’aimer et celle de procréer aussi. Elles ont lutté pour que soit respectée leur singularité de femme. Et maintenant que cette singularité leur est acquise, elle voudrait, à l’instar des hommes dans leur pire défaut, devenir des guerrières ? Les femmes ont-elles vraiment besoin de cette violence-là ?
Double tentation
En fait, la double tentation peut être grande. Les hommes ont toujours regretté de devoir mettre de l’amour là où ils préféreraient n’y voir, pratiquement parlant si j’ose dire, que du sexe. Jusqu’ici, les femmes les ont sauvés de cet enfer, en les conduisant à y mettre du sentiment. Les femmes, elles, ont toujours laissé percer une certaine amertume de ne pas disposer de la force omnipotente des mâles qui les placerait sur un vrai terrain d’égalité. Les hommes, en les en empêchant, leur ont évité les affres de l’autisme affectif dans lequel ils sont eux-mêmes plongés depuis plus de deux mille ans.
En extrapolant les deux propos, je me dis qu’une société qui réduirait l’amour à un acte sexuel, en d’autres termes, une société qui deviendrait capable de se passer d’amour ne serait plus une société. Car pour qu’il y ait société, il faut une volonté de « réunir », ce qui ne peut se faire sans le sentiment amoureux, car lui seul est à même de conférer le sentiment d’appartenance (à l’autre, à autrui, au groupe). Et de même, je me dis qu’une société où les femmes rejoindraient les hommes pour les égaler dans l’une des pires expressions masculinistes qui soient, démontrerait que tous les efforts d’émancipation de la femme auraient échoué puisqu’ils les auraient conduites à imiter les hommes dans cette part complètement pathologique que constitue la violence masculine ordinaire.
On parle beaucoup de barbarie ces derniers temps : n’en serait-ce pas un signe ?