On récolte ce qu’on s’aime
Je sais, cette phrase n’a pas de sens. L’idée n’est pas de moi. Elle m’a été suggérée par une dame venue en consultation avec son mari pour des problèmes de couple assez graves pour envisager une séparation définitive. « Quand on ne témoigne pas d’amour aux autres, quand on n’aime que soi, on ne s’étonnera pas de ne récolter que ce qu’on s’aime. Et de rajouter en épelant : s. apostrophe,a.i.m.e. Vous devriez écrire une chronique sur ce thème, cela pourrait bien servir à d’autres. Nous y voilà donc.
Le problème, c’est qu’en matière de couple, hormis quelques cas réellement exceptionnels, les choses ne sont jamais aussi simples qu’on pourrait l’imaginer. Et il est bien difficile de concevoir que tout puisse être de la faute de l’un sans qu’il en aille aussi, quelque part, de la faute de l’autre. Je sais que cela énerve d’entendre cela, mais force est d’admettre qu’en matière de crise de couple, soit il y a deux coupables, soit il n’y en a aucun.
« Mais, me direz-vous, là faute de qui est-ce donc si le couple est parti en brioche ? Je n’ai rien fait pour qu’il (ou qu’elle) cesse de m’aimer, pour qu’il (ou qu’elle) aille voir ailleurs. Je ne demandais pas mieux, moi, de continuer à vivre comme nous vivions ». « C’est vrai, pourrais-je rétorquer, tu n’as rien fait. Mais peut-être est-ce là le problème. N’avoir rien fait n’est pas une justification en soi. Tu pensais, à tort – comme nous pensons tous, du reste – qu’amour rimait avec toujours, et tu ne t’es pas aperçu que cela n’était qu’une image pieuse.
- Pourtant mes parents vivent bien depuis trente ans ensemble… Deuxième erreur ! Deuxième erreur, parce que, d’une part, rapporté à ton propre couple, cela ne prouve rien, et d’autre part, parce qu’on ne peut comparer que le comparable… et encore. Tes parents sont tes parents et ton couple est ton couple. Tout amalgame entre les deux ne peut être que pure projection.
Il n’y a pas de coupable
Personnellement, je préfère dire qu’il n’y a pas de coupable. Il y a eu deux personnes qui, très certainement s’aimaient au départ et s’aiment encore, mais qui n’arrivent pas à s’entendre. Et si elles n’arrivent pas à s’entendre, c’est parce qu’elles n’ont pas appris à relationner, à échanger correctement. En effet, les problèmes conjugaux ne sont pas tant des problèmes d’amour, que des problèmes de relation. Or, personne n’est préparé à cette relation-là, tant on estime qu’elle va de soi. Ainsi entrons-nous dans le continent de l’amour sans préparation d’aucune sorte, sans connaissance, sans apprentissage. Avec naïveté, avec puérilité, nous reproduisons des gestes, des schémas, des comportements censés marcher. Du moins le pense-t-on. Ainsi le sentiment est-il censé primer sur tout le reste. Et lorsque les premiers baisers sont envolés et qu’il faut commencer à vivre ensemble, on s’aperçoit que le kit n’a rien à voir avec l’image d’Épinal qui figurait sur la boîte. Troisième erreur.
Aimer, n’est pas une cause, c’est une conséquence
Ce qu’il faudrait comprendre, c’est qu’aimer, n’est pas une cause, mais une conséquence. Comprenez-moi bien, je ne dis pas « tomber amoureux », je dis « aimer ». Ce n’est pas parce qu’on s’aime qu’on va faire des choses ensemble, c’est parce qu’on fait des choses ensemble, qu’on s’aime. Faire des choses ensemble, cela veut dire discuter, élaborer des projets, décider, mettre en œuvre.
Il y a les choses qu’on envisage, qu’on élabore et qu’on décide pour soi et il y a celles qu’on envisage, qu’on discute, qu’on élabore et qu’on décide ensemble pour le couple et la famille. Le premier, ressort de la vie personnelle, il a pour nom : autonomie. Le second, ressort de la vie de couple, il a pour nom : partage.
Quand on sème, il faut faire en sorte de semer une graine pour le couple et une graine pour soi. Ce soi n’est pas un soi égoïste, mais un soi souverain, autonome ; un soi qu’on essaiera de rendre le plus beau possible, pas par narcissisme, mais pour l’offrir à l’autre en retour. En s’y prenant de cette façon, on sera sûr de récolter ce qu’on s’aime. Ça vous dit d’essayer ?